De la peinture d’Eric Winarto,
POST TENEBRAS la sagesse encore et à jamais pour l’éternité retrouvée
« Entendez-vous le grand silence contemporain ? »
F. Alma Matrix – Pour LNA, for ever –
Il en est du travail pictural d’Eric Winarto de quelque chose de la recherche d’un état de sainteté par l’humble moyen de la picturalité. Pour arriver à ses fins, cet artiste d’origine malaisienne résidant à Genève et ayant un atelier à l’ex usine Kugler, a choisi l’archaïque moyen de la pratique de la peinture pour approcher un tant soit peu cette fin qui ne sera jamais qu’une autre faim, de la recherche de l’absolu toujours aussi inatteignable, nous le savons, quand on est épris des désirs infinis, abyssaux et si profonds dans l’âme, de la recherche de la paix et de la sagesse. Les hommes de Lascaux dans leur soi-disant primitivisme en étaient déjà les artisans. Ils le savaient bien quand ils peignaient dans la nuit, sur les murs des cavernes, par le système déjà, des ombres projetées, alors que le rétroprojecteur était encore à réinventer, au fond de la caverne de Platon. Eric Winarto quant à lui, dans cette exposition, portant le titre sibyllin de BLACKLIGHT SELVA, et qui m’a fait l’honneur de travailler au laboratoire d’art, content, pour rien, Andata/Ritorno, dans ce lieu que d’aucuns prétendent être une galerie commerciale, mais qui pour un public attentif et averti a en fait toujours été, une chapelle.
J’ai donc vu de nombreuses heures, Eric travailler dans ce lieu d’Andata/Ritorno qui n’est certes pas la chapelle de Matisse de Saint-Paul de Vence, mais qui a cependant, des qualités architecturales notoires qu’une jeune femme – du nom de Chaima Ijjou – travaillant depuis mai 2014 dans un bureau d’architecture voisin au premier étage de cet immeuble du 37, rue du Stand ou, 42, rue de la Coulouvrenière, classé, par ailleurs, dans le patrimoine architectural genevois, a relevé avec justesse. Cet immeuble datant de 1846 destiné à l’origine à l’industrie horlogère Balland est devenu aujourd’hui un lieu de création, notamment grâce aux 300 expositions que j’y ai réalisées dans l’espace du fond de l’aile droite. Cet édifice de la rue du Stand, d’où je vous écris, ressemble parfois à la proue d’un navire ou encore, sous un certain angle, à un porte-avion. Il m’arrive de penser qu’il est balisé dans son axe central, en l’observant, et c’en est le fait, par une pyramide de verre – et l’on sait depuis la nuit des temps ce que la pyramide représente symboliquement – à savoir le passage du verre à la lumière et la transparence, en passant par le reflet. Cet espace d’Andata/Ritorno que le département de la culture de la ville de Genève met depuis 32 ans à disposition de l’association dont je suis le directeur artistique, association dont l’envol est aujourd’hui enfin dynamique, j’y aurai travaillé dans une grande solitude de nombreuses années mais ce temps-là est enfin révolu car des amis partageant la même passion de l’art et de la création sont devenus aujourd’hui mes actifs alliés.
Pour en revenir à l’exposition d’Eric Winarto, j’ai vu donc cet homme travailler avec un calme et une paix intérieure que j’envie, je l’ai vu donc peindre avec une concentration extrême et sublime sur les murs de la deuxième salle de la galerie méditant des secondes pleines qui ressemblaient à des siècles, des heures entières, des nuits entières avec le même amour du labeur, de l’exactitude, de la précision et de la sublimation et pour tenter de rendre un peu de la beauté du monde qui nous entoure par haine de la merde qui Y EST TANT répandue, à savoir de tenter de retranscrire par le médium de la peinture (en l’occurrence phosphorescente), avec une touche parfois quasi van goghiennen ou ucellesque, lui Winarto travaillant à la transcription picturale face à l’émerveillement de l’univers, de la nature des oiseaux, des arbres, des cyprès, des plumes, des nuages ; jusqu’à cet oiseau noir, à peine perceptible qui se trouve exactement au centre de la deuxième toile de la première salle intitulée BLACKLIGHT SELVA – BLACKBIRD (240×180 cm) 2014. Cet oiseau, pour moi n’est pas sans rappeler de toute évidence la linguistique particulière que saint François d’Assise avait inventé au quattrocento en dialoguant avec les oiseaux dans son suprême choix du mépris de la noblesse argentée dont il était originaire. Cet oiseau noir n’est pas sans me rappeler non plus, la fameuse chanson de Barbara, l’aigle noir, Barbara femme admirable, abusée par son père et qui a écrit cette chanson pour cette raison-là. Ces oiseaux que j’aime tant, que ce soit ceux brésiliens de la magnifique installation que Carmen Perrin avait réalisée ici même à Andata/Ritorno en 1981 sous le titre 360 mille km secondes (qui correspond à la vitesse de la lumière), installation que m’a acheté alors mon regretté collectionneur André L’Huillier pour me sauver d’une merde noire financière que je connaissais à l’époque, et qui ne m’a jamais vraiment quittée. Mais aujourd’hui il est possible que les temps changent enfin. Merci à ceux qui le méritent. Ces oiseaux que chantait Léo Ferré dans les années soixante-dix en les taxant de « quelques abstraits ». Léo que j’ai vu 14 fois en scène, et dont l’œuvre poétique m’inspire encore aujourd’hui à 59 ans, a écrit cette magnifique chanson composée dans ces années-là qui s’appelait et s’appelle encore toujours Les oiseaux du malheur (« Ils ont des becs, ils ont des yeux perçants – Comme les femmes – Les oiseaux du malheur – Ils ont la grâce et volent adorablement – Comme les femmes »).
Pardonnez-moi je m’égare de l’oeuvre d’Eric Winarto qui m’inspire tant et que j’admire tant, vous savez l’admiration parfois égare comme la poésie comme l’AMOUR et comme la mort.
Je vous invite donc, toutes et tous à venir voir et admirer cette sublime exposition que j’ai l’honneur et le bonheur de vous présenter jusqu’à la fin de l’année 2014 et pourquoi pas à la santé de l’année 2015 à venir… et ses jolies promesses. Je terminerai par un mot de Léo « et nous resterons quelques abstraits comme les oiseaux du BONHEUR de préférence ».
Merci et bien à vous.
Joseph Charles Farine, Poète et directeur artistique du Laboratoire d’art contemporain Andata.Ritorno
Lundi 1er décembre 2014 – 16h57 – Version provisoire
photos ©Karl von Hammerstein
En parallèle
Espace Etant donné
Yuki Shiraishi, L’échappée, installation n°3, 2014
En parallèle aux expositions, Yuki Shiraishi poursuit sa série d’installations dans notre nouvel espace, l’espace Etant donné, visible par un oculaire placé dans le couloir de l’entrée de la galerie.













